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Le puissant séisme a fait près de 1300 morts et 5700 blessés, laissant des milliers de personnes sans abri dans le sud-ouest du pays ou à la recherche de proches disparus ou bloqués sous les décombres.

Nombre d’engins lourds, camions et tractopelles ont déplacé des dalles de béton des bâtiments effondrés dans la ville des Cayes près de l’épicentre du séisme, à quelque 160 km de la capitale haïtienne Port-au-Prince, a constaté l’AFP.

Le séisme a frappé le sud-ouest d’Haïti samedi à 08H29 (12h29 GMT), à une dizaine de kilomètres de la ville de Saint-Louis-du-Sud selon des données de l’Institut américain de géophysique. Le tremblement de terre a été ressenti sur la totalité du pays.

 

« On ne sait pas si notre maison va résister »

Dans cette ville, la troisième du pays, les sinistrés se comptent par milliers. James Nonçant est de ceux-là. Pourtant, par rapport à certains de ses amis et voisins, sa famille a eu de la chance. « Notre maison a plutôt bien résisté. Elle a seulement quelques fissures », constate cet avocat stagiaire de 32 ans, qui vit avec sa mère, ses deux frères et son cousin. Ils s’en sont tous sortis indemnes, avec seulement quelques égratignures. « Mais nous avons quitté notre maison, et nous sommes dans la rue, car il y a trop de secousses, et on ne sait pas si notre maison va résister. »

A l’instar de la grande majorité des rescapés, terrorisés par les multiples répliques du séisme, M. Nonçant et les siens s’apprêtaient donc à passer une deuxième nuit dehors, à l’écart des constructions. « Dans la journée, on s’introduit rapidement dans la maison, entre les secousses, et on récupère quelques papiers, des effets pour dormir, et on ressort », explique-t-il. « Pour l’instant, c’est la survie. Pouvoir aider les autres, trouver de l’eau, de la nourriture : c’est ça, la priorité. »

Ouragans, inondations, éboulements, tremblements de terre : Haïti est habitué à essuyer des catastrophes naturelles. Mais ce qui s’est passé samedi rappelle le cataclysme du 12 janvier 2010, lorsqu’un séisme de magnitude 7 avait ravagé Port-au-Prince et plusieurs villes alentour. Plus de 200 000 personnes avaient été tuées et plus de 300 000 autres blessées, auxquelles 1,5 million de sinistrés s’étaient ajoutés. L’effort colossal de reconstruction n’est d’ailleurs toujours pas terminé.

 

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Les habitants à la recherche de survivants

De la bâtisse de deux étages de Marcel François aux Cayes, il ne reste que des ruines.  C’est grâce à son téléphone « que je suis vivant car j’ai pu dire aux gens dehors où j’étais localisé », raconte à l’AFP l’homme de 30 ans.

Son plus jeune frère Job, aidé de voisins, a passé plus de trois heures à le sortir des gravats, sans rien d’autres que la force de leurs bras. « J’étais dans le bus pour aller au travail quand le séisme s’est produit. J’ai réussi à joindre Marcel au téléphone mais il m’a dit « viens me sauver, je suis sous le béton » », témoigne Job François.

Blessé à la tête, Marcel François a immédiatement été transporté à l’hôpital après avoir été retiré d’un amoncellement de parpaings, en état de choc car sans nouvelles de sa fille de 10 mois, piégée sous les ruines.  « J’ai pensé que mon enfant était morte. Je pleurais quand je suis arrivé à l’hôpital, j’étais résigné », confie le trentenaire avec émotion. Grâce à l’action conjointe des habitants et de son oncle, la petite Ruth Marlee Alliyah François a été sortie de la maison, quatre heures après le séisme.

 

L’état d’urgence déclaré

L’état d’urgence a été déclaré par le chef du gouvernement, Ariel Henri, pour un mois dans les quatre départements affectés par la catastrophe. « Le gouvernement a décidé ce matin de décréter l’état d’urgence pour un mois suite à cette catastrophe », a déclaré le Premier ministre Ariel Henry, appelant la population « à la solidarité » et à ne pas céder à la panique.

Du personnel et des médicaments ont déjà été acheminés par le ministère de la Santé vers la péninsule sud-ouest mais la logistique d’urgence est aussi mise en péril par l’insécurité qui mine Haïti depuis des mois. Sur un peu plus de deux kilomètres, l’unique route reliant la capitale à la moitié sud du pays traverse le quartier pauvre de Martissant sous contrôle de gangs armés depuis début juin, empêchant la libre circulation. Les rares hôpitaux des régions affectées peinent à fournir des soins d’urgence.

Les efforts des secours pour aider les victimes pourraient cependant être entravés à l’approche de la dépression tropicale Grace, avec un risque de pluies torrentielles et d’inondations rapides, selon le service national météorologique des Etats-Unis. Elle est attendue dans la nuit de lundi à mardi et le pays a été placé en vigilance renforcée.

Crise politique, économique et sécuritaire aiguë

Pas étonnant, donc, que les réactions venues de l’étranger aient afflué. « Après le séisme meurtrier en Haïti, nos pensées vont vers celles et ceux qui ont perdu un proche, qui ont vu leurs habitations et une part de leur vie s’effondrer. La France continuera d’être aux côtés d’Haïti et de son peuple, et se tient prête à apporter son soutien », a écrit le président français, Emmanuel Macron, sur son compte Twitter, dimanche. Dans un communiqué, son homologue des Etats-Unis, Joe Biden, s’est dit « attristé » par ce désastre et a promis un soutien logistique. D’autres pays, notamment la Républicaine dominicaine, le Mexique et l’Equateur, ont également offert leur assistance avec l’envoi de personnel, de rations d’urgence et d’équipements médicaux.

Cette nouvelle calamité s’abat sur Haïti, alors que le pays s’enfonce depuis plusieurs mois dans une crise politique, économique et sécuritaire toujours plus aiguë. Les tensions ont culminé, le 7 juillet, avec l’assassinat, dans sa résidence de Port-au-Prince, de Jovenel Moïse, président de plus en plus contesté d’une République à la dérive. Cet attentat, commis par un commando armé formé en grande partie de ressortissants étrangers, a plongé les citoyens dans l’effroi. La crise politique est encore loin d’être résolue : trois jours avant le séisme, l’administration électorale a repoussé de deux mois le premier tour de l’élection présidentielle, initialement prévue en septembre.

 

Solidarité internationale

De nombreux pays, notamment les Etats-Unis, la Républicaine dominicaine, le Mexique ou encore l’Equateur ont offert leur assistance avec l’envoi de personnel, de rations d’urgence et d’équipements médicaux. L’armée américaine a annoncé lundi la constitution d’une mission militaire conjointe, avec le déploiement déjà effectué d’une équipe chargée d’évaluer la situation dans les zones affectées grâce à des moyens aériens d’observation. Quatre hélicoptères ont également été mobilisés pour du transport.

Le Premier ministre Ariel Henry a ainsi remercié dimanche la communauté internationale. « Nous voulons donner une réponse plus adaptée qu’en 2010 après le tremblement de terre. Toutes les aides venant de l’extérieur doivent être coordonnées par la direction de la Protection civile », a exigé le chef du gouvernement, tout en appelant ses concitoyens à « l’unité nationale ».